La minimisation : au-delà des blessures visibles
- Julie Buisson

- 16 nov.
- 4 min de lecture
Quand une femme (ou un homme) quitte une relation violente, elle pense souvent que le plus dur est derrière elle. Mais le combat continue après... autrement...
Il y a d'abord cette sensation de vide intérieur, l'impression de n'être plus qu'une coquille vide, affronter le regard des autres, les jugements, les silences gênés... réapprendre à dormir, à sortir sans angoisser, réapprendre à faire confiance, aux autres, à soi...
Et puis, il y a les autres combats intérieurs, au fil des années : ce sentiment d'insécurité même quand tout semble aller bien, un geste brusque qui fait sur-réagir. Ces angoisses qui remontent sans prévenir, parfois des années après, quand un regard, une phrase, une main tendue réveille une mémoire du corps.
Tout ça, ce sont des choses dont on a conscience, dont on parle facilement, et sur lesquelles il est "facile" d'agir...
Mais là, je vais mettre les pieds dans le plat, et parler d'un phénomène dont on parle peu mais qui est tout aussi violent : la minimisation.
« D'autres ont vécu pire »
« C'est du passé, tourne la page »
« C'est rien, tu es forte »
Alors tu apprends à te taire, à garder le sourire même quand, à l'intérieur de toi tu souffres et que tu as envie de crier. Tu te dis que tu devrais aller mieux, que tu es « réparée ».
Mais la minimisation est aussi une forme de violence car elle empêche la reconnaissance du traumatisme qui est essentielle pour guérir.
Quand tu entends « d'autres ont vécu pire », tu finis par te dire que tu exagères, mais pourtant les séquelles psychologiques sont bien là, même 20 ans ou 30 ans plus tard.

Pourquoi les proches minimisent ?
… souvent parce qu'ils ne savent pas faire autrement. Reconnaître la violence c'est aussi affronter leur impuissance et leur propre peur. Mais pour toi qui a survécu, ces paroles deviennent une deuxième blessure. Elles ralentissent la reconstruction, entretiennent la culpabilité et brouillent la confiance en soi.
Comment tu peux affronter ça la minimisation des proches ?
Déjà, ne les incrimine pas !
crois en toi-même, ce que tu as vécu est réel. Tu n'as pas besoin d'une validation extérieure pour le reconnaître.
Entoure toi de personnes formées ou conscientes, qui savent écouter sans juger, sans « conseiller », juste avec présence et bienveillance.
En te rappelant que guérir prendra du temps. La reconstruction c'est aussi apprendre à se redonner la légitimité de ses émotions (tu as le droit de ressentir ce que tu ressens même 10 ans après), à poser des limites, à dire « non » à ceux qui minimisent.
Combien de fois je me suis dit que tout ça était de l'histoire ancienne... C'est arrivé en 2007, c'est loin, et pourtant...
En 2011, il était temps de faire rentrer un homme dans ma vie, au prix de crises d'angoisse.
En 2020, j'ai voulu faire du karaté : le combat au sol a réveillé des souvenirs et je suis rentrée chez moi en pleurs.
En 2023, je suis retournée vivre dans la ville où ça s'était passé : j'ai dû me faire aider car il y avait comme une charge émotionnelle qui pesait, quelque chose de lourd, d'oppressant, je me sentais angoissée.
En 2024, j'ai fait rentrer un autre homme dans ma vie et, là encore, de violentes crises d'angoisse.
Et cette même année un message qui se résumerait à « D'autres ont vécu pire » qui a été d'une violence pour moi... et c'est là que j'ai pris conscience des effets de la minimisation.
Alors aujourd'hui, oui, je mets les pieds dans le plat, pas pour incriminer, pour sensibiliser.
Si tu as vécu des violences, peut-être que tu te reconnais, que tu te sens moins seul(e) dans ce cas et que tu comprends mieux les effets de la minimisation.
Si tu connais quelqu'un qui a vécu des violences : dis juste à cette personne que tu la crois, que tu l'entends, que tu vois sa souffrance. Qu'elle a le droit d'en pleurer même 30 ans après parce qu'il y a eu un déclencheur.
Mais surtout, dis lui ceci :
Tu as le droit d’être égoïste.
Le droit de penser à toi avant tout, de poser des limites, de dire non.
Parce que se reconstruire, ça demande une énergie colossale : celle qu’on ne voit pas, celle qu’on consacre à se réparer de l’intérieur, à retrouver confiance, à apprivoiser la paix.
Tu as le droit de te choisir, de t’éloigner de ce (ou ceux) qui te replongent dans la peur ou la honte.
Le droit de ralentir, de te reposer, de ne pas “aller mieux vite” juste pour rassurer les autres.
Tu n’as rien à prouver.
Tu n’as pas à être fort(e) tout le temps.
Guérir, ce n’est pas revenir en arrière. Car celle d’avant n’existe plus.
Mais celle d’après, elle, est en train de naître : plus consciente, plus libre, plus alignée avec ce qu’elle veut et ce qu’elle mérite.
Elle avance, pas à pas, dans la direction de sa lumière.
Et un jour, sans même t’en apercevoir, tu réalises que tu ne survis plus...tu vis.
Pleinement. Authentiquement. Fièrement.
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